Il ne faudrait surtout pas laisser le soutien de la souveraineté de la nation à ceux qui en font un argument pour prêcher la restauration d’une certaine « France éternelle », ou fille aînée de l’Église, et tournant le dos aux Lumières, aux principes établis par les révolutions françaises, aux vœux du Conseil National de la Résistance, ainsi qu’aux orientations données par le créateur de la Vème République.
L’idée de république perd du terrain en France ; on peut en voir un symptôme dans le fait que les journalistes, à la télévision notamment, parlant du Président de la République, au lieu de le désigner par son titre disent presque toujours désormais « le chef de l’État », ce qui rappelle aux plus anciens les heures sombres de 1940-44, quand précisément la République était abolie.
Contre l’évolution en cours de la politique française, quand les principes républicains sont progressivement mis en cause, il faudrait au contraire leur donner un nouvel élan, en allant vers la réalisation d’une République fidèle à ses racines, assurant une véritable souveraineté du peuple.
Quant aux arguments de ceux qui prennent pour modèle et référence la démocratie à l’anglo-saxonne, il faut leur opposer l’alternative républicaine. Car cette forme de démocratie, on le voit, se veut compatible avec les inégalités sociales, avec les communautarismes, et surtout avec l’individualisme égoïste…
Alors que la république, sans être égalitariste et tout en reconnaissant les inégalités naturelles ou établies par le mérite, ne reconnaît, elle, que des citoyens à égalité, s’applique à réduire les inégalités sociales, assure la solidarité nationale et organise la vie dans un espace public commun.
Dans la République, l’espace public est en principe régi par les règles de la laïcité que sont :
- La liberté absolue de conscience, qui permet au citoyen d’avoir la religion de son choix et d’en changer s’il le veut, ou de n’en avoir aucune ; une liberté de conscience qui entraîne la liberté d’opinion et la liberté d’expression, et exclut la notion de blasphème.
- Le respect du pluralisme religieux, qui oblige le politique à faire observer une parfaite égalité entre toutes les religions, dans la limite du respect des lois humanistes de la république.
- La séparation du politique et du religieux ; le religieux restant des domaines privé et associatif ; les conceptions métaphysiques ayant la liberté de s’exprimer sur le forum, mais les manifestations de communautarisme et de prosélytisme étant, autant que possible, éliminées de l’espace public.
La république organise la dévolution des pouvoirs et contre-pouvoirs, de façon à exclure la détention du pouvoir par une dynastie ou une coterie, de même que la remise du pouvoir politique à un « chef » sans contrôle et limites, ainsi que pour éviter l’exercice du pouvoir au profit d’une fraction de la nation, au détriment de l’intérêt général.
La république doit refuser aussi la remise du pouvoir souverain à une autorité extérieure à la nation, hors du contrôle démocratique du peuple ; qu’il s’agisse d’une puissance étrangère, d’une alliance, d’une association, ou de lobbies économiques ou financiers par exemple.
Sous cet angle, les traités Européen et Atlantique seraient à renégocier, et le pouvoir financier comme le pouvoir économique seraient à replacer sous l’autorité du politique.
En ce qui concerne l’Europe il s’agirait d’aller vers une Europe confédérale ayant une véritable personnalité politique et diplomatique, constituant un pôle de puissance au niveau mondial.
Au sujet des relations avec les États-Unis les termes de l’alliance devraient être redéfinis dans le cadre d’un rapport entre deux pôles de puissance, partenaires égaux.
Néanmoins, la République doit tenir compte des réalités du monde d’aujourd’hui et de ses perspectives d’évolution. Le but à poursuivre par le gouvernement de la république devrait être d’organiser l’économie nationale, de façon que tous les citoyens participent par leur travail à la vie de la nation et puissent en vivre dignement. Ceci nécessiterait que le pouvoir politique reprenne autorité sur le pouvoir financier et stimule l’économie réelle, pour améliorer à la fois l’activité productive et une indépendance économique compétitive.
Le pouvoir politique devrait également reprendre la main sur les biens communs de la nation par une organisation nationale des services publics de l’eau, de l’énergie, des transports, de la santé, du logement, et de l’aménagement du territoire pour le meilleur environnement écologique.
En république, le peuple détient seul la légitime souveraineté pour décider de son destin. Les modalités de l’expression du peuple seraient à améliorer pour lui permettre d’exercer effectivement sa souveraineté. Aucune modification constitutionnelle, aucune concession sur la souveraineté de la nation, ne devraient être réalisées sans une consultation des citoyens par référendum. Il faut noter que la notion de nation en république est définie par le droit du sol. Elle est constituée par l’ensemble des individus vivant sur le territoire de la République sous une loi commune.
La république devrait réaffirmer sa volonté de permettre au citoyen de s’émanciper des conditions de sa naissance, en faisant dans tous les domaines la promotion de l’égalité des chances ; l’élitisme républicain jouant sur la sélection par la compétence.
Il est du devoir de l’autorité politique d’assumer sa responsabilité dans l’éducation des jeunes et leur préparation à la citoyenneté, y-compris pour la défense de la nation. C’est pourquoi la république devrait réaffirmer l’autorité exclusive de l’Éducation nationale sur les domaines de l’instruction et de l’éducation citoyenne et des programmes correspondants, à l’exclusion de toute considération de nature religieuse, l’éducation spirituelle des mineurs étant laissée à la responsabilité des familles.
Enfin avec le retour de la géopolitique comme facteur déterminant des relations internationales, l’esprit républicain devrait être porté au niveau mondial en poussant l’ONU à s’affirmer comme pouvoir politique, pour imposer aux nations des mesures d’harmonisation de la régulation financière et l’instauration d’une coordination économique, dans le souci de l’intérêt général de l’humanité.
Claude J. DELBOS