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À propos de populisme

L'expansion actuelle des populismes en Europe, ne nous invite-t-elle pas, au-delà des anathèmes, à porter un regard plus critique sur nos sociétés (ou notre société)  ?

  1. QU'ENTEND- T- ON PAR "POPULISME(S)"  ?

- Il est nécessaire,  avant d'entreprendre une recherche de précisions sur le "populisme", de tenter de dissiper un double "malaise sémantique".

En effet, l'usage du mot lui-même (au singulier, ou au pluriel) seul, ou accompagné de variations (comme par exemple "national populisme") est connoté de façon péjorative, visant à dénoncer, à stigmatiser ce qui serait, par essence, mauvais.

En outre, il est quasiment impossible de trouver une simple définition du mot "populisme", et, "Le fascisme et la démagogie constituent les 2 pôles entre lesquels oscillent les significations polémiques aujourd'hui conférées au mot populisme", d'où ce premier malaise sémantique.

- "L'appel au peuple" est quant à lui, l'une des constantes qui serait justement l'une des marques génétiques du populisme. C'est alors qu'apparaît le second "malaise sémantique" car, quelle signification donnée au mot "peuple", de quel peuple s'agit-il ? Et, là encore, l'usage du mot peut en être péjoratif ou au contraire laudatif.

 S'ensuit, une interrogation sur l'existence de plusieurs conceptions "du peuple" selon les traditions politiques servant de références, et l'usage qui en est fait selon les circonstances, d'autant que "peuple" est avant tout un mot politique au regard même de ses origines, de sa genèse tout au long de l'histoire occidentale.  S'agit-il du peuple souverain (éventuellement sans pouvoir), ou tout simplement de l'ensemble d'une population vivant sur un territoire donné, de la "plèbe", "du peuple de gauche" ....

Ainsi," face au  "peuple" on observe une oscillation entre diabolisation et angélisation".

Polysémie du terme "populiste", ambiguïtés du mot "peuple" ne font que mettre en  exergue une certaine variété des mouvements qui sont qualifiés de "populistes".

Par contre, l'usage du pluriel semble d'autant plus  justifié  que certains auteurs nous guidant dans ce foisonnement, tel par exemple Margareth  Canovan,  distinguent 7 types de populismes, inclus dans 2 grandes catégories (agraire, et politique) alors que A-P Taguieff  parle du populisme comme "d'un style politique, d'une attitude d'ensemble, et non d'un régime ou même d'une idéologie".

II LES POINTS COMMUNS  AUX POPULISMES -  LE F.N ARCHETYPE DES MOUVEMENTS POPULISTES EN EUROPE ?

1) Par-delà l'aspect pluriel que présente le populisme, de quoi est constitué le "noyau dur" commun à tous les populismes ?

          - Le populisme (a minima) consiste à se réclamer du "peuple", à désigner à sa vindicte les élites.                                 Il se présente comme un anti-système mettant en cause toutes les institutions et leurs présupposés dysfonctionnements dont les élites sont responsables, et coupables du malheur du peuple.

C'est bien "la distance et la séparation de l'élite et du peuple qui sont au cœur du phénomène populiste"  (Réf. Laurent BOUVET).

               - D'autant que la deuxième composante importante du Populisme est le Nationalisme.  Celui-ci repose sur une conception de la nation à la fois comme lieu (pays) héréditaire, historiquement, culturellement et surtout comme un tout immuable.

                 - Le troisième élément fondamental du populisme est le rôle du "chef", leader charismatique. Ce dernier est à la fois porte-voix, porte-parole, catalyseur du mécontentement du peuple et aussi son sauveur.

Il est aussi celui qui fait coïncider le peuple avec la nation. Tous deux devant être protégés à la fois de ceux de l'intérieur désignés comme coupables, et contre ceux de l'extérieur (immigrés), tous potentiels boucs-émissaires.

Ce peuple une fois épuré de ses traîtres et ennemis, est essentialisé, et ethnicisé.

Ce "noyau dur" du populisme est révélateur d'une pensée clivante, opposant "ceux d'en bas à ceux d'en-haut", "ceux d'ici  à ceux venus d'ailleurs" et inscrite  dans une quête, paradoxale, et  perpétuelle de  l'unité utopique  d'une société holistique, homogène, fermée.

Il s'agit d'une pensée fondamentalement, philosophiquement opposée à la philosophie des Lumières, assignant tout un chacun au déterminisme de ses origines et, refusant les idéaux universalistes.

2) La" mue" du Front-National  :

               - Avec, le 22 Avril 2012, 18% des voix aux élections présidentielles "la preuve est désormais faite qu'il y a une vie pour l'Extrême-Droite après Jean-Marie LEPEN"

               Le Front-National  a un nouveau visage, qui plus est, est féminin, ce qui en soi constituerait déjà une "révolution". Ne s'agit-il que d'une métamorphose de façade ou "le F.N est-il pour autant en train  de changer de nature ?" telle est la problématique que Renaud DELY propose à notre réflexion     alors même que Marine LE PEN  reprend à son compte la polémique qu'entretenait son père en réfutant  cette appartenance, cet ancrage à l'Extrême-Droite, tout en niant les origines du parti qu'il créa en 1972.

             Des changements cependant sont très apparents, destinés,  dans leur ensemble,  à "banaliser" le F-N comme : l'adoption d'un nouveau style permettant des relations plus calmes avec les médias mais aussi de tourner la page d'un "certain passé, un travail organisationnel  systématique, Martine LEPEN s'étant accaparé  le  projet de "modernisation" de Bruno MEGRET.

             Le F-N a  saisi l'opportunité d'un changement de générations pour lisser son discours dans lequel la référence à un "certain passé" (celui des ex-collabos, des nostalgiques de la Guerre d'Algérie, des ex-membres de l'OAS ...) n'a plus sa place mais dans lequel, par contre,  il substitue à l'ancien bouc-émissaire - à savoir le Juif - un nouveau bouc -émissaire : "l'immigré ou plus exactement  le musulman".

          

             Il a  mené une opération de "rajeunissement", dirigeants et militants plus jeunes,  sont inclus dans un processus de "professionnalisation"  visant à plus d'efficacité dans le recrutement ainsi qu'à plus de crédibilité dans  les propositions du  Parti.

            Il a aussi adopté "un nouveau programme économique et social de défense des classes populaires, foncièrement  étatiste, aux relents à la fois anti-européens et anticapitalistes."

           Mais, ne peut-on pas déceler,  sous des changements prouvant plutôt son opportunisme, une certaine adaptabilité à un contexte, des constantes qui constitueraient une cohérence. Certains auteurs, observateurs, chroniqueurs, évoquent, quant à eux, l'élaboration d'un néo- populisme, d'un nouveau "National-socialisme" (sans connotation toutefois hitlérienne, ou fasciste).

           3) Le Front-National archétype de tous les mouvements populistes  en Europe ?

     -  Le Front National partage avec tous les mouvements populistes en Europe un certain nombre de constantes.

       - La marque "déterminante et indépassable" révélant l'appartenance  du FN à l'extrême-droite est "sa conception de l'identité". Il va, ainsi, dans son projet, jusqu'à envisager un système d'apartheid, classant la population" en trois catégories (Français "de souche", Français "de papiers c'est-à-dire naturalisés, étrangers), et l'application d'un principe discriminatoire, nom  de "la préférence nationale" rebaptisée "priorité nationale" (pour l'accès aux droits sociaux, au travail, au logement ...).

Ce délire obsidional, alimenté par la peur de l'immigration -laquelle ne peut être pour eux que "massive" - se retrouve dans tous les mouvements populistes en Europe.

A cette peur de l'invasion, du métissage, s'ajoute celle du changement. Cette dernière implique l'anti-mondialisme. En effet, la rapidité des changements dans le monde engendre, chez certaines catégories de la population, un sentiment de perte de repères, d'abandon. C'est ainsi, qu'à l'exemple du FN, d'autres partis populistes, en Europe, ont mené des campagnes en direction des "oubliés", des "invisibles" s'estimant lésés par la mondialisation, notamment les classes moyennes déçues aussi, éventuellement par l'Europe.

Ainsi, comme le FN, tous les mouvements populistes exploitent les affects car, pour eux, " la politique est du domaine des sentiments, de l'émotion" lesquels seraient l'apanage du peuple.

Le FN, et tous autres partis populistes, prétendent parler en son nom, ou même "être le peuple lui-même", lequel est, par essence,  "sain, plein de sagesse", anti-intellectualiste. Par cela, ils s'opposent aux élites en usant  de corolaires simplistes, voire manichéens, réfutant toute complexité (exemple 3 Millions de chômeurs = 3 millions d'immigrés !).

Comme le FN, ces mouvements se présentent comme étant anti -système, préférant à la démocratie représentative, la démocratie directe (référendum, plébiscites, votation ....), pratiquant l'amalgame, tous les partis de gouvernements étant de connivence, d'autant plus facilement que ces derniers n'offrent, par rapport à la crise, que peu de choix ou pas de choix (ex : le consensus sur l'austérité).

La mutation "néo-populiste," qui s'opère depuis plus d'une décennie, en Europe, est un mouvement anti-postmodernité  par son opposition à "la liquidations de l'Etat-Nation,  à une société composée d'individus autonomes. »

Leurs programmes politiques d'exclusion sont construits sur la base "d'un retournement des valeurs de la Philosophie des Lumières" d'autant que leurs discours sur une identité essentialisée, invariante, fixiste, est déterministe. Cependant, ces mouvements populistes sont des "mouvements hybrides à mi-chemin entre l'opposition globale au système et la participation à celui-ci par des succès électoraux conséquents".

Le FN apparaît donc comme l'archétype des mouvements populistes en Europe, et par "sa hiérarchie des valeurs" comme demeurant une formation d'extrême-droite". (R. Dély)

Conclusion : Ce rapide panorama du phénomène populiste en Europe, nous invite à porter un regard plus critique : 

-  Sur la société en général,

 - Sur la mise en  exergue, par les médias, des mouvements populistes et de  leurs thèmes privilégiés,

 - Sur le lien existant entre "populisme" et démocratie. Il ne s'agit pas, en effet, d'une crise de la démocratie mais bien plutôt d'un  problème de représentativité. Car, l'apparition ou la résurgence de mouvements populistes s'effectue lorsque la distance entre peuple(s) et élites grandit. Ce qui  a pour conséquence un jugement d'ordre moral porté sur elle au regard de la "common decency".

- Sur l'emprise  qu'a, sur nos sociétés, le  "Monstre doux" (selon l'expression de Raffaele Simone) à savoir "l'esprit du temps" qui diffuse  dans les esprits l'idéologie du néo-libéralisme. "Le tour de force du "Monstre doux " est de faire prendre au peuple les vessies de l'accomplissement marchand pour les lanternes de l'émancipation individuelle."

- Sur les stratégies des différents partis visant à séduire leurs  électorats potentiels. Leur positionnement doit, au contraire, éviter toute surenchère, ou bien encore même  l'indifférenciation entre eux.

Au total, dans une société démocratique, la lutte contre les mouvements populistes relève d'un combat de valeurs face à des contre-valeurs, c'est-à-dire un combat d'ordre idéologique, voire philosophique, dans lequel les Humanistes ne peuvent que s'impliquer.

BIbliographie :

Pierre-André TAGUIEFF   L'Illusion populiste (Berg International Ed. 2002)

Laurent BOUVET    Le sens du Peuple : la gauche, la démocratie, le populisme Ed Gallimard  2012

Renaud DELY    La Droite Brune : UMP/FN les secrets d'une liaison fatale. Flammarion Enquête 2012

       "       "    Article Nouvel Observateur-site internet- Le FN est toujours d'extrême-droite 03/10/13

Marie-France MARCHAIS

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