Libéralisme « Gouvernement de la liberté » ; que faut-il entendre par là ? La liberté au-dessus de tout ?
Le rapport du libéralisme à l'idéal de liberté de l'homme n'est pas clair. D'abord, les mots en -isme expriment en général, par esprit de système, une dogmatisation de l'idée portée par la racine ; c'est le cas pour des mots comme individualisme, communautarisme, autoritarisme, communisme... Ici, de la conception libérale de la vie humaine en société, fondée sur le respect de la liberté de chacun de vivre comme il l'entend dans la mesure où il ne nuit pas à la liberté de l'autre, on est passé au respect absolu de la liberté de s'imposer aux autres dans la mesure où on en a les moyens. C'est en particulier dans le domaine économique, que cette façon de comprendre la liberté s'est affirmée en s'appuyant sur ce dogme édicté par Adam Smith : « La liberté laissée aux individus d'agir selon leur intérêt permet seule la meilleure utilisation des ressources. » Il semble que les prophètes du libéralisme se soient peu intéressés à la liberté de l'être humain sous l'angle de sa liberté de pensée, de conscience, de mœurs et de modes d'existence, mais qu'ils se soient surtout intéressés à la liberté des acteurs de l'économie, sous l'angle des meilleures conditions de la production de richesses : liberté d'entreprendre, liberté de placement des capitaux, liberté du commerce...
Le libéralisme pose un double problème dialectique :
Le désir de liberté de l'individu confronté à la nécessaire cohésion de la société dans laquelle il vit, impliquant des règles de comportement communes limitatives et contraignantes.
La meilleure gestion des biens de chacun au mieux de ses intérêts privés, confrontée à la nécessaire participation, sur ses biens propres, aux servitudes et agréments d'intérêt général.
Adam Smith n'est-il pas le véritable père du libéralisme économique ? Or, il semble qu'il partageait quand même les rôles en matière d'économie :
- la libre entreprise d'un côté, fondée sur l'intérêt personnel, et d'autre part
- l'État acteur économique chargé des ouvrages et établissements publics d'intérêt général.
Toutefois ses émules d'aujourd'hui ne paraissent nullement préoccupés de solidarité ni de cohésion sociale. Pour la société, cependant, une question se pose : La solidarité et la cohésion sociale sont-elles de la responsabilité du pouvoir politique ou bien doivent-elles être laissées à des mains invisibles ? Celles de la charité par exemple, et de l'ordre naturel c'est à dire l'anarchie permettant aux plus forts d'imposer leur ordre.
Après la chute de l'Union Soviétique et l'acceptation par la Russie des lois du capitalisme et du marché, en même temps qu'une certaine libéralisation politique, l'idée s'est répandue d'un lien de cause à effet du libéralisme économique au libéralisme politique et de l'identification entre capitalisme et démocratie.
La conséquence de cette conception de la démocratie c'est, en réaction à l'économie administrée par l'état prônée par les communistes, l'idée que toute intervention de l'État dans l'économie est une entrave à la liberté des acteurs économiques privés et peut être considérée comme un début de collectivisme. Il en découle la volonté de faire passer à la gestion privée, par privatisation, tout ce qui dépendait antérieurement de l'État au titre du service public.
Le néolibéralisme, forme contemporaine achevée du libéralisme, cherche à réduire le rôle de l'État à rien d'autre qu'au maintien de l'ordre social, et au soutien des acteurs privés de l'économie par la règlementation, les subventions et les allègements de charges fiscales.
Toutefois, la conversion des communistes chinois au capitalisme et au marché, fait planer le doute sur la vertu démocratique du libéralisme économique. De même, le cas des pays du Proche Orient exportateurs de pétrole montre que la richesse d'un pays ne préjuge pas de la qualité démocratique, libérale et humaniste de son régime politique.
C. J. Delbos