L'humanisme déconstruit

            Depuis la Renaissance, l'humanisme considère l'individu comme pluriel et ondoyant ainsi que se voyait Montaigne. Il lui était reconnu des natures diverses en fonction de ses champs d'activité ; une diversité qu'il unifiait lui-même librement dans sa personnalité par sa volonté et sa raison.

 

La République est censée être constituée de ces individus, libres et égaux en droits, reconnus directement et sans intermédiaire comme citoyens par le pouvoir politique.

La rationalité en question

            Il existe différentes façons de rendre compte des données de nos sens. Le sentiment  d'avoir raison peut être puisé à plusieurs sources. Peut-on parler de plusieurs rationalités ? Est-il raisonnable de faire totalement confiance en la raison[1] ? N'y a-t-il de vérité que scientifique ?

 

Certains ont voulu remplacer la vérité du dogme religieux par celle du dogme scientifique, réunifier lumières de la raison et illumination mystique. Il en est issu un scientisme matérialiste naïf. Il faut distinguer deux domaines séparés, celui des sciences et celui des traditions mystiques. Pourtant, certains éprouvent le besoin de fonder l'éthique en vérité objective, et tentent de renouveler la quête alchimique de la « Réalité Ultime[2] » : « Une mystique, faisant bon ménage avec un irrationnel que la  nouvelle science serait censée ''confirmer'', a pu submerger parfois des scientifiques de valeur[3]. » D'autres voient dans ce scientisme matérialiste le triomphe des lumières de la raison, sur les ténèbres de l'obscurantisme religieux et de l'irrationnel.

L'humanisme de la Renaissance

Renaissance, humanisme et Réforme.

           

Certains ont pu avancer que ce que cherchait la Renaissance, c'était l'antiquité classique en son art, alors que ce que cherchait l'humanisme c'était l'antiquité classique en ses idées.[1] La réalité paraît avoir été différente et on peut dire que Renaissance et humanisme se confondent ; et cela dès l'origine dans la personne même, du premier des humanistes italiens : Pétrarque. Érudit, curieux des mœurs et de la nature, archéologue et philologue, passionné d'auteurs comme Cicéron et Virgile, promoteur de l'étude du grec, Pétrarque voulait créer ce monde moderne où, avec la foi chrétienne, la morale et la philosophie de l'antiquité se confondraient réconciliées.

Ce qui est intéressant, c'est de constater la chronologie d'une évolution, d'abord parallèle puis divergente, de l'humanisme et de la Réforme. Au moment où Calvin publia son « Institution Chrétienne », le mouvement français de la Réforme était déjà vieux d'un quart de siècle, car son origine se confondait presque avec celle de l'humanisme de la Renaissance française. L'humaniste ne se contentait pas de s'inspirer de la forme des œuvres des maîtres de l'antiquité, il affirmait sa conviction que l'étude des lettres antiques rendrait l'humanité plus civilisée. L'idée centrale de l'humaniste c'était que l'homme était pour l'homme le plus digne des sujets d'étude. Les humanistes français, comme Étienne Dolet, exprimaient clairement leur ambition pour une réussite dans cette vie. « ... Pendant que je puis, je goutte un bonheur mortel ; après la mort j'en connaîtrai peut-être un plus grand[2] ? »  

L'esprit des Lumières

            Le caractère humaniste des Lumières[1] se révèle dans les trois-quarts de siècle qui précédèrent 1789. Le siècle des Lumières fut une époque, non d'innovation, mais d'aboutissement par la maturation des idées humanistes qui  germaient depuis la Renaissance. Les êtres humains pour la première fois de  l'Histoire décidaient de prendre leur destinée en main. Les Lumières furent à la fois rationalistes et empiristes, universalistes et particularistes, ce fut une époque de débats plus que de consensus. Trois composantes peuvent être identifiées dans le projet des lumières :

La volonté d'autonomie de l'individu, la finalité humaine de ses actes et l'universalité des principes sur les quels doivent reposer les lois régissant la vie en société.

L'homme voulait s'émanciper de toute tutelle extérieure : toute autorité ne pouvant être que naturelle et non surnaturelle, ce qui tendait à produire un monde libéré de la superstition, un monde que l'on a pu dire aussi : « désenchanté ». Toutefois, le courant des Lumières se réclamait, non pas de l'athéisme mais de la religion naturelle, du déisme, et de la tolérance conduisant à la liberté de conscience. À la certitude émanant de la lumière d'en haut, se substituaient le doute et les lumières provenant de la connaissance de la réalité. La connaissance n'avait désormais que deux sources : la raison et l'expérience. Cette libération de la connaissance ouvrit la voie à la science, et de là à l'éducation sous toutes ses formes, de façon à libérer l'homme. Le combat pour la liberté de conscience se prolongea par la demande de la liberté d'opinion et d'expression. La société, dans tous ses secteurs, tendait de ce fait à devenir laïque, quand bien même les individus resteraient croyants. L'être humain était désormais accepté dans son entier et dans sa réalité ; le changement apparut dans la littérature où le héros n'était plus obligatoirement un personnage exemplaire.