La question de la vérité est essentielle dans la philosophie, dès ses débuts. Elle le reste car elle tient une grande place dans la vie individuelle et collective des individus et des sociétés, dans toutes les relations humaines. Dans ces temps d’incertitudes que nous vivons, nous cherchons des repères, au moins des convictions qui puissent orienter nos jugements et nos actes.
L’attention se focalise aujourd’hui, sur des entreprises, des actes et des crimes barbares, dans diverses régions du monde, notamment au Moyen orient, où s’est installé par la guerre, un Etat qui se proclame islamique. Il se réclame d’une certaine interprétation littérale et passéiste de l’islam et de son texte sacré, le Coran. Ainsi justifierait-t-il le fanatisme qui s’y exprime sans limites. Ce fanatisme serait, dans ce cas, lié à une religion, à la vérité qu’elle prétend détenir.
Cette situation conduit à un triple questionnement : que faut-il donc entendre par vérité et comment y accède-t-on ? Comment est-elle liée au fanatisme ? Comment s’en protéger ?
La Vérité
Sur les questions complexes, au-delà des simples vérités de faits de la vie courante (le soleil éclaire la terre, c’est le jour, si on chauffe de l’eau, elle finit par bouillir…), trois réponses traditionnelles, me semble-t-il, ont été données.
1 – La Révélation
Connaître le monde et l’homme, leur nature, leur origine et leur destin, voilà des questions aussi vieilles que l’homme pensant. Pour y répondre, l’homme a inventé des mythes et des religions, lesquelles sont fondées sur la révélation. Au sens religieux, ce terme désigne soit l’illumination surnaturelle opérée par une divinité pour transmettre la Vérité à l’intelligence humaine, soit l’ensemble des vérités d’origine divines contenues dans des écritures sacrées comme la bible et le coran, par exemple. Ces textes sont réputés directement inspirés par la divinité, voire écrits par elle. Les sectes s’appuient également sur une révélation transmises par un « gourou » (Ron Hubbard pour la scientologie ou Moon…).
Les vérités, ainsi révélées, s’organisent en dogmes, doctrines de nature métaphysique, que les adeptes n’ont pas le droit de remettre en cause, sous peine d’être accusé de blasphème. Elles sont soustraites à toute critique, elles ont le statut de vérité absolue. Mais le dogmatisme n’est pas le seul fait des doctrines religieuses. Il caractérise également certaines doctrines politiques, économiques, sociales et même, parfois, scientifiques. La révélation se place en dehors de la science car elle ne peut faire l’objet d’aucune vérification expérimentale : elle affirme une transcendance d’ordre surnaturel, elle relève de la foi et de la croyance.
2 – L’intuition
La révélation reste extérieure l ‘homme. Peut-il, par lui-même, accéder à la vérité ? Selon Descartes, la manière la plus sûre la connaître est l’intuition, et la vérité s’impose par son évidence si l’on use correctement de sa raison. Mais l’intuition peut être considérée subjective et comment se préserver de l’illusion ? Les humeurs du moment, les passions, peuvent altérer le jugement. L’intuition n’est pas infaillible, même si, parfois, avec l’imagination, elle est une composante de la démarche scientifique. Elle peut alors stimuler la pensée, suggérer des pistes de recherche mais elle ne peut se substituer à la méthode proprement scientifique.
3 – La démarche scientifique
Peu à peu, à partir du 16e siècle, cette démarche s’est imposée comme la seule source véritable de la connaissance de l’univers matériel. L’objet de la science, entendons d’abord de la physique, est donc le réel que nous percevons par nos sens et les techniques puissantes qui dépassent ses limites. Les progrès accomplis dans l’élaboration de nos moyens techniques d’investigation permettent d’aborder l’étude de l’infiniment petit, celui des particules et de mettre en place des expériences dans ce domaine nouveau. Les scientifiques élaborent des théories qui organisent et interprètent les données de l’expérience en utilisant l’outil mathématique. Mais ces théories sont toujours vérifiées par d’autres expériences qui dépassent éventuellement les premières expériences et qui peuvent toujours être remises en cause. C’est donc par l’exercice de l’esprit critique et la vérification expérimentale que se construisent les savoirs et non sur l’acceptation passive des arguments d’autorité religieuse ou politique. La méthode scientifique est donc clairement rationaliste, matérialiste, en définitive.
Il faut cependant distinguer, dans la méthode scientifique, celle qui est adoptée dans ce qu’on appelle « les sciences humaines ». Nées au 18e siècle, elles recouvrent un champ d’étude très large. Leur ambition est de comprendre la nature humaine et la vie des sociétés. Mais les faits humains, au-delà de leur réalité physique, et liés à elle, concernent un être doué de conscience et de libre arbitre. Il échappe à un déterminisme rigoureux. On ne peut pas prévoir à coup sûr son évolution, même à court terme, ni prévoir tous ses actes. L’analyse, dans ce cas, relève d’une interprétation, d’une herméneutique, qui rend plus difficile l’objectivité et l’universalité des chercheurs, malgré le souci de la rigueur qui accompagne leurs travaux.
Le fanatisme
Des conflits majeurs ont traumatisé les sociétés dans la première moitié du XXe siècle. La paix retrouvée, on aurait pu penser, que la création de l’Organisation des nations unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, aient enfin apaisé les relations internationales. Il n’en est rien. Les conflits se sont multipliés et aujourd’hui la barbarie est toujours active dans le monde. L’Afrique et le Moyen orient en sont le théâtre privilégié, et la violence est encore présente ailleurs, alimentée par des nationalismes agressifs ou des affrontements ethniques et identitaires meurtriers.
Dans un Moyen orient déstabilisé par des conflits antérieurs et la chute de régimes autoritaires, un « Etat islamique » s’est installé, par la guerre. Il entend faire régner la loi islamique, telle qu’il la comprend à travers son interprétation du coran, livre sacré de l’islam. La terreur qu’il veut inspirer s’exerce d’abord à l’égard des populations qu’il domine et qu’il contraint à suivre la charia, loi religieuse fondée sur une lecture littérale du coran. Il s’agit d’un islam radical qui rejette toute autre interprétation que la sienne : il combat aussi bien les musulmans, ses premières victimes, qui ne le suivent pas, que les nations démocratiques déclarées sataniques. Son pouvoir repose sur la terreur, le terrorisme, l’assassinat, les décapitations, la torture. Il met en scène, avec soin tous ses crimes et les diffuse largement. Ainsi, une religion instrumentalisée devient la source d’une violence sans limites. Ses adeptes deviennent des fanatiques criminels.
Le fanatisme apparaît donc comme une passion dangereuse, porteuse d’inhumanité. Le mot émerge au 16e siècle, appliqué par Luther et Calvin aux protestants qui souhaitent instaurer le royaume de Dieu dans la société de leur temps. Ils se dressaient contre les princes, et brisaient les images saintes. Ils voulaient purifier le monde de l’idolâtrie, « obstacle à l’amour de la présence divine, immédiate et pure ». En France, le mot est lié aux guerres de religions, marquées par des massacres et la guerre civile opposant catholiques et protestants pendant de longues années.
Comment naît le fanatisme ?
Il repose sur une croyance devenue certitude, pour les croyants, convaincus de détenir la Vérité. Ils en jouissent immédiatement, elle ne peut être mise en doute et encore moins contestée. Elle repose sur la révélation, faite par une divinité bienveillante à un être humain, choisi par Dieu, un prophète, Moïse ou Mahomet, dans le cas des monothéismes. La révélation est transcrite dans des textes sacrés, Coran ou Bible, par exemple. Ils expriment la parole de Dieu, donnent la connaissance des origines du monde et de tous les êtres qui l’habitent, qui sont des créations divines. Ils donnent aussi des règles de vie qui doivent être respectées par les fidèles qui veulent assurer leur salut éternel. Elles sont explicitées par des religieux, des prêtres, qui doivent guider les fidèles, dans le respect rigoureux des dogmes. Mais la diversité des interprétations dogmatiques des écritures saintes, crée une multiplicité d’expressions religieuses et d’organisations au sein de toutes les religions, chacune s’estimant seule à détenir la Vérité. Les tentatives de « concordisme », d’œcuménisme, d’union, au cours du temps , n’ont eu guère de succès.
Ceux qui ne partagent pas telle ou telle interprétation sont considérés vivre dans l’erreur. Dans le meilleur des cas, des croyants peuvent admettre que les chemins vers Dieu et la Vérité peuvent être divers et accepter un certain relativisme dans l’expression de la foi. Mais, pour d’autres, intégristes, fondamentalistes, la Vérité est une, aucune concession n’est tolérable. Ils détiennent la Vérité absolue. Là gît la source du fanatisme, dangereux quand il pratique activement le prosélytisme. C’est alors que les désaccords se traduisent par des affrontements. Ils peuvent devenir particulièrement violents et meurtriers. Dans les Etats théocratiques, où une telle religion devient officielle, toute critique, tout manquement aux pratiques imposées, est considéré comme un blasphème et puni sévèrement. L’apostat, qui renonce à sa religion risque la mort. La police des mœurs est chargée de surveiller la population.
Réflex ions
1 – Les conséquences du fanatisme religieux dans l’Etat islamique ne sont que trop évidentes Le prosélytisme qu’il affiche s’exprime dans la criminalité, la barbarie, le terrorisme, soigneusement mis en scène. La terreur devient le mode habituel de gouvernement des populations soumises et d’intimidation à l’égard des adversaires combattant son expansion. Elle est légitimée par la religion et son alliance avec le politique.
2 - Le philosophe Abdennour Bidard , qui regrette les profondes divisions déchirant l’islam, qui conduisent à la guerre entre les diverses factions, observe, qu’à ses débuts, ce monothéisme était remarquable par sa simplicité. Pour être musulman, il suffit encore de prononcer la profession de foi : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Muhammad est son prophète ». Nul besoin d’intermédiaires, Imans, oulémas ou religieux, entre les fidèles et Dieu. Le seul rituel exigé est celui de la prière, qui peut être solitaire. Malheureusement, au fil des siècles, le dogmatisme s’est affirmé. Tous les actes de la vie ont été codifiés et la religion, désormais, gouverne tous les aspects de l’existence.
3 - Il faut remarquer que la pensée religieuse est englobante. Au nom de la révélation, les religieux estiment qu’ils sont porteurs d’une transcendance, d’une vraie spiritualité et de normes morales, indispensables à l’humanité. Aussi souhaitent-ils investir aussi bien l’espace public que l’espace privé des individus et leur conscience pour y imprimer les règles de conduite concrètes indispensables à leur salut et à la stabilité des sociétés. Les sociétés qui adoptent ce régime de fusion du politique et du religieux, comme l’Iran, l’Arabie saoudite ou l’Etat islamique, deviennent totalitaires. Elles reposent en fait sur une conception particulière de l’homme et de la société, fondée sur une lecture littéraliste du coran.
L’individu ne peut manifester sa singularité. Il est absorbé dans une unité organique, la communauté des fidèles et son identité essentielle est réduite à la dimension religieuse. Les pratiques cultuelles sont nombreuses et obligatoires. La liberté de conscience et de culte est pratiquement interdite, l’apostasie est passible de peines sévères, le blasphème reste un délit d’une grande gravité. L’individu est asservi, aliéné, les opposants traqués. La police des mœurs surveille la population. Au plan collectif, la loi religieuse est supérieure à la loi civile, dont les religieux jugent de sa conformité ou non avec le texte sacré. La démocratie, les droits de l’homme ne sont pas reconnus. Les libertés essentielles, la liberté de conscience, de pensée, d’expression, l’ensemble des acquis des lumières, sa philosophie, l’humanisme et les valeurs universelles sont prohibés.
Aucune religion n’est à l’abri d’expressions radicales de leur dogme, qui restent le plus souvent, minoritaires. Ce sont des intégrismes ou des fondamentalismes, s’appuyant sur des textes anciens, considérés comme sacrés, interprétés littéralement. Islam, mais aussi, Hindouisme, christianisme catholique ou protestant, judaïsme (très influent dans l’Etat d’Israël), n’y échappent pas.
Ainsi, les fanatiques religieux façonnent le réel à leur image, selon la conception de la fidélité à la révélation. Pourtant, les textes sacrés sont vieux de plusieurs siècles et ne correspondent plus aux évolutions considérables que connaissent les sociétés modernes où la majorité des fidèles acceptent les lois civiles.
Le fanatisme est bien présent aussi dans d’autres domaines de la vie sociale, économique, politique, philosophique, avec son caractère dogmatique et son intransigeance dans son refus du pluralisme de la pensée et du débat démocratique.
Que faire ?
Le fanatisme se caractérise par un certain état d’esprit et de conscience qui change complètement le regard de l’individu sur la société dans laquelle il vit et détermine un comportement aberrant et dangereux pour la cohésion sociale et la sécurité de chacun. Le fanatique s’inscrit dans « un système d’idées et de jugements, explicite et organisé, qui sert non seulement à expliquer ou à justifier la situation d’un groupe ou d’une collectivité », mais ajoute le sociologue Guy Rocher, « en s’inspirant de valeurs, (il) propose une orientation précise à l’action historique de ce groupe ou de cette collectivité ». Au-delà du rejet et de la condamnation morale, il faut donc combattre cette idéologie en lui opposant d’autres idées et d’autres valeurs. La responsabilité de l’État est engagée : il doit assurer la prévention des violences et la sécurité des personnes et des biens.
L’éducation peut y contribuer si elle cultive avec persévérance la rigueur intellectuelle dans l’acquisition de connaissances sur l’homme, son histoire, la vie de l’esprit, le rôle de la raison, du doute, de l’esprit critique, de la complexité de l’humain. L’éducation civique conduit à une réflexion sur les modalités pacifique de la vie collective, et dans le respect de la diversité des individus au sein d’une même nation. Elle donne la priorité à l’intérêt général, aux droits et devoirs de chacun. L’éducation philosophique n’est pas moins utile pour former le jugement fondé sur la raison, la rationalité, et pas seulement sur l’émotion. L’esprit critique et un relativisme raisonnable n’excluent pas les convictions morales. L’éducation morale doit insister sur la tolérance, Le respect de la dignité des personnes, la recherche de la vérité et de choix éthiques.
Le régime politique, la démocratie et la philosophie humaniste républicaine, pluraliste, la laïcité, peuvent former des citoyens éclairés et libres, soucieux du bien commun, dont la priorité doit être la recherche du progrès humain, de la justice sociale autorisant une vie décente pour chacun. La vie associative peut être un élément de cohésion sociale. En France, les pouvoirs publics, inquiets des succès de la propagande de l’Etat islamique, ont demandé à un hôpital psychiatrique de traiter le cas de jeunes radicalisés, psychologiquement instables. « La maison de la prévention et de la famille » a mis en place une cellule de « des-embrigadement » pour s’occuper d’une trentaine de jeunes selon une approche pluridisciplinaire… La presse publie des analyses de la radicalisation de certains jeunes, convertis souvent, et attire ainsi l’attention de l’opinion sur la gravité du phénomène.
Conclusion
La source du fanatisme est finalement dans l’évolution d’une croyance en une vérité absolue, devenant une idéologie dogmatique. Elle génère l’intolérance à l‘égard de toute autre pensée concurrente. Cette intolérance, entretenue par ceux qui l’ont soutenue et développée dans des esprits réceptifs, car désarmés et conditionnés, peut conduire à la barbarie la plus sauvage. Elle peut être physique, mais aussi morale et sociale.
Combattre le fanatisme est une entreprise difficile mais nécessaire. Elle relève de la responsabilité collective des pouvoirs publics et des citoyens, des individus, car ils sont libres, dans une démocratie, au moins en partie, de choisir leur destin et leurs choix éthiques, pour donner du sens à leur vie.
La question morale et philosophique posée par la permanence de la violence, qui mine les sociétés, est celle de la « nature humaine » : l’homme est-il un être méchant, mauvais, que rien ne pourrait changer ? La discussion demeure ouverte : les doctrines religieuses, philosophiques ou politiques, donnent des réponses diverses. Mais ne faut-il pas donner une réponse nuancée à une telle question, si l’on considère que l’être humain est un devenir, car il conserve, malgré tout, une marge de liberté pour déterminer sa conduite, voire son destin.
Jean MOLERES
FANATISME
Le fanatique se croit inspiré et il délire ; il croit détenir une Vérité absolue qu’il sacralise, c'est-à-dire à laquelle il donne une valeur supérieure à celle de la vie. Il est animé par une religion, ou toute autre doctrine idéologique, à laquelle il attribue le caractère de la Vérité absolue, qu’il aurait mission de faire admettre par les autres. Habité par une foi intraitable, il est intolérant, agressif et sourd à toute argumentation raisonnable.
Croire que l’on détient la vérité pourrait n’être qu’une conviction. Ce qui conduit au fanatisme c’est l’intolérance, qui considère que celui qui ne pense pas comme nous est un adversaire qu’il faudrait vaincre et convaincre ou supprimer. Le fanatisme d’un individu est toujours un danger potentiel. Mais quand le fanatisme est érigé en valeur sociale et instrumentalisé par les dirigeants de la société, ou un dictateur, il devient l’instrument du totalitarisme.
La Vérité, devenue valeur sacrée institutionnelle, s’impose alors à tous dans les mêmes termes et une police de la pensée traque les hérétiques et les déviants. Les pratiques extérieures d’adhésion à la croyance deviennent obligatoires, dans les domaines du vêtement, de la nourriture, des mœurs, des attitudes et des gestes rituels. Une police des mœurs est chargée de réprimer les manquements. Enfin, une telle société ne peut manquer de se considérer comme élue, comme seule détentrice de cette unique Vérité absolue, de se sentir supérieure à toute autre, et de s’attribuer le droit de convertir les incroyants ou de les dominer.
Le fanatisme est une tentation latente dans toutes les religions ; mais pas seulement. Toute idéologie, même athée, qui prétend détenir la Vérité, peut entraîner au fanatisme. Les guerres de religion, en France au 16ème siècle ont donné l’exemple de l’affrontement de deux fanatismes religieux. Le nazisme et le stalinisme on montré comment deux idéologies très différentes, mais toutes les deux hors de la religion, ont suscité des fanatismes et des totalitarismes des plus dangereux. Aujourd’hui, l’islamisme est une voie s’appuyant sur le fanatisme religieux pour conduire à l’établissement d’une société totalitaire.
Quel remède au fanatisme ? Il n’y en a qu’un !
Une éducation établissant le primat du rationnel et de l’esprit critique. Une culture « du savoir discutable, modéré par un humanisme tolérant », est seule susceptible de faire échec aux délires des fanatiques.
Claude J. DELBOS
PISTES DE REFLEXION (Vérité/Fanatisme)
La question de la Vérité n'apparaît-elle pas étant d'autant plus complexe qu'elle soulève la question de sa nature alors que celle-ci est basée sur un questionnement d'ordre philosophique quant à la nature de l'Homme, la Vérité ne serait-elle qu'un sujet purement philosophique ?
N'est-il pas judicieux d'étudier les diverses conceptions philosophiques de l'Homme à l'aune des apports scientifiques et notamment ceux des neurosciences afin d'échapper aux réponses dualistes (bon/mauvais ...fort /faible) ou manichéennes ?
De plus, les sciences apporteraient-elles une Vérité, des vérités ? Faut-il qualifier ces vérités de vérités parcellaires ? Si oui de quel ordre sont-elles exactement ?
Évoquer la nature de l'Homme n'est-ce évoquer celui-ci qu'ex-nihilo ? En effet, en quoi l'Homme (et plus particulièrement l'Homme moderne) est-il soumis ou au contraire peut-il échapper à ses conditions de vie ? Cette réflexion mène à s'interroger sur ses capacités d'émancipation et plus particulièrement sur ses motivations lorsqu'il agit.
D'où la question du risque de fanatisme, et ne faut-il pas alors préciser ce que l'on entend par fanatisme ? Est-ce, dans un premier temps, l'élimination de tout doute, ce qui impliquerait la soustraction de la Vérité (présentée alors comme unique) à toute critique ? En quoi cette certitude amènerait-elle certains à agir ? Pour propager cette Vérité (par tous les moyens) ? Pour trouver un sens à sa propre vie ? Pour assouvir un désir de pouvoir ? Pour se trouver un idéal ?
Enfin, lorsque cette vérité est d'ordre religieux, la pensée religieuse ne réduit-elle pas la réflexion de l'individu ? Ne l'enferme-t-elle pas dans la réalisation de sa singularité dans un seul item, censé le définir ?
Nos sociétés démocratiques confrontées à la violence de fanatiques se réclamant d'une religion ne doivent-elle pas d'urgence s'interroger sur les éventuelles solutions face à cette propagation en leur sein. ? Plus que jamais les humanistes ne doivent-ils pas réaffirmer leur attachement à un idéal de progrès, d'émancipation lequel passe par " une éducation établissant le primat du rationnel et de l'esprit critique, une culture de savoir seule susceptible de faire échec aux délires des croyances". ?
Marie-France MARCHAIS